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Anne Teresa de Keersmaeker, Boris Charmatz, Amandine Beyer
crédit photo : Christophe Raynaud de Lage |
Partita 2,
une perle rare
Voir Anne Teresa de Keersmaeker danser, c’est goûter à la
quintessence de sa danse.
Vous êtes prévenu, la potion n'est pas toujours suave.
Voir
danser Anne Teresa de Keersmaeker est pour moi toujours un grand bonheur. Cette
saison, j’ai été gâtée. Elle a redansé deux œuvres anciennes : Fase à
Beaubourg (automne 2012) et Elena’s Aria au Théâtre de la Ville (mai 2013).
Partita 2 est une création récente, présentée en première mondiale au
Kaaitheater à Bruxelles le 1er mai. Je la découvre à Avignon le 23 juillet 2013.
C’est la rencontre de deux
danseurs d’abord, ATK et Boris Charmatz, de deux chorégraphes
avec un compositeur, Bach, puis une violoniste, reconnue virtuose de la musique
baroque, Amandine Beyer. C’est un trio exceptionnel réuni autour de la danse et
de la musique de Bach.
Voir un chorégraphe danser, c’est un moment intense de danse. Pourtant qu’il m’est
difficile de parler de cette nouvelle création ! Anne Teresa de Keersmaeker ne fait pas de cadeau à
son public, elle suit son cheminement d’artiste sans nous attendre. Pour qui
veut la suivre, elle écrit ses Carnets d'une Chorégraphe (le deuxième tome vient de paraître. Voir plus bas). Elle accepte aussi les rencontres avec
le public. Quelques jours avant les représentations en Avignon, elle présente au
public ses Carnets , qui présente son processus créatif et le
fruit de ses recherches. Le lendemain, elle et Boris Charmatz s’expliquent sur leur
œuvre commune lors d’une conférence de presse publique, puis rencontre le public à la fin du festival (A voir ou à entendre : Entretiens avec le public).
L’émotion
est pour moi double. Je suis émue par le duo improbable formé par la femme
d’âge mûr et l’un homme plus jeune, en âge de jouer le fils. Nous sommes loin
de l’esprit d’un pas de deux. Aussi je
suis touchée par la simplicité parfaite de la partition chorégraphique qui
contraste avec la partition de musique complexe. Les photos du spectacle
attestent mieux de la précision de la danse et de sa beauté, que les pas qui
s’enchaînent (voir la sélection de photos dans un autre avis).
Partita 2,
un spectateur averti en vaut deux
La mise en
scène et en lumière ne cherche pas à réveiller le spectateur assoupi.
L'interprétation de la Partita 2 de Bach est ardue. Le
violon est un instrument pas toujours facile à entendre. ATK a choisi une violoniste virtuose et reconnue, Amandine Beyer, qui accélère ou ralentit le tempo, de fait, suivre la musique n'est pas non plus facile.
Enfin, l’absence ou le faible éclairage, sans autre décor que la façade austère du
Palais des Papes, n’aidera pas à soutenir l’attention. Avec Partita 2, il n’y aura pas de détente, ni du corps, ni de
l’esprit. En recherche d'émotions ? Passez votre chemin.
Seule une extrême concentration ou au contraire un état entier de
méditation permettra d’apprécier le spectacle. J’avoue avoir nourri des pensées
criminelles envers le public, qui s’agitait d’impatience.
Je suis, vous l'aurez compris, une inconditionnelle d’Anne Teresa de Keersmaeker. L’admiration et la fidélité que je lui voue
m’enseignent la patience : j’accepte de ne pas tout comprendre et de ne pas toujours ressentir.
En tant que spectatrice passionnée de danse, en tant que mère aussi, je suis très sensible aux moyens de la transmission. Mon fil rouge, dans Partita 2, c’est le besoin vital d’ATK de transmettre, à
plusieurs niveaux :
-
transmission
de ses recherches chorégraphiques à la jeune génération, incarnée par Boris
Charmatz. Quel plaisir de voir ces deux-là communier sur et hors scène!
-
transmission
Maître-Élève (le bras d’Anne dans le dos de Boris), Mère-Fils (Anne portant
Boris sur son dos), selon les tableaux ;
-
transmission
de la musique de Bach dans l’esprit et dans la lettre, dans l’obscurité ou le
silence ;
-
transmission
des Carnets d’une Chorégraphe, à qui sait lire, sans nécessairement savoir
danser. Et les échos de sa citation « my walking is my dancing ».
Je recommande Partita 2 aux familiers de l’univers d’ATK, aux passionnés de
Bach, aux amateurs d’œuvres non intuitives et à ceux qui aiment se documenter
avant le spectacle.
cZav
PS Je m'excuse d'avoir à peine cité Boris Charmatz, que j'avoue ne pas connaître encore. A ceux qui voudraient écrire un texte, un commentaire, sur le lien entre Charmatz et Partita 2, le blog leur est ouvert.
En vente : pour le dimanche 1er décembre 2013 à 15h,
j’ai réservé pour la communauté Danseaujourdhui des places au Théâtre de la Ville,
Paris, pour un tarif à 19€ (ald 30€).
J’ai demandé à ce que nous puissions
rencontrer Amandine Beyer après la représentation. Pour réserver, m'écrire à catherine.zavodska@gmail.com.
La vidéo (crédits Rosas) :
A lire :
Libellés : Anne Teresa De Keersmaeker, Boris Charmatz, danse contemporaine, DVD, Livre de danse