2009-11-03 Brice Leroux : Solo#2-fréquences


Compagnie Continuum
Direction, chorégraphie, scénographie, lumières et costumes : Brice Leroux
Danse : Brice Leroux ou Krassen Krastev
Assistant artistique : Krassen Krastev
Musique : "Poème symphonique pour 100 métronomes" de György Ligeti
Réalisation des costumes : Eugénie Poste


Solo#2-fréquences, ou "C'est comme ça qu'ils dansent, les Martiens ?"...

Lucioles, cage, Buren, Martien, Donald Judd, spacionaute, métronomes, chaos organisé, Bibbendum, effacement, lumière, noir...

Ce lundi 3 décembre, trois représentations au Théâtre de la Ville s'échelonnent à 19h, 21h et 23h. Va pour la dernière, dansée par Krassen Krastev. Chaque représentation dure à peu près 1h, pour seulement 50 spectateurs à chaque fois.

La mise en scène commence dès l'entrée dans la salle elle-même. Entrée un à un, avec de longs intervalles qui font que chacun se déplace seul le long d'un couloir sombre, noir, indiqué seulement par deux fils lumineux au sol qui mènent jusqu'à la scène, pour s'y enrouler en un escargot géant. En marchant, j'entends mes pas, et j'entends, ailleurs, les pas de ceux qui m'ont précédé et de ceux qui me suivent, mais que je ne les vois pas. Et enfin, la "salle", circulaire. Au centre, la scène, occupée par une cage de lumière, toujours ces fils lumineux, ici verticaux. Autour de la cage, un cercle d'objets noirs... les métronomes nécessaires à l'exécution de la pièce de Ligeti. Autour de la scène, sur l'extérieur de cette salle circulaire, 50 chaises. Je m'assieds sur la chaise qui m'a été désignée par mon n° d'entrée dans la pièce. Tous se plient en silence à ce rituel. L'arrivée des spectateurs s'étale sur 10 ou 15 minutes - pendant lesquelles un assistant s'affaire autour de la scène, réglant les métronomes. Le spectacle n'a pas commencé, et pourtant les gens chuchotent à peine, personne n'ose parler à voix haute. Bien plus que d'habitude, je me sens part du spectacle, et surtout part de la performance.

L'intensité des lumières varie, un assistant lance les métronomes, la cage tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, les métronomes aussi mais à un autre rythme... : c'est parti.
La musique de György Ligeti évoque un chaos organisé, et participe physiquement à la performance : l'aiguille de chaque métronome est marquée par un point lumineux, qui se balance évidemment. On croirait un ballet de lucioles...
La cage de lumières est en 3 dimensions, puis en 2 seulement : on n'en voit plus que les barreaux de devant, puis ceux de derrière, elle réapparaît, puis se fond dans le noir. L'intensité lumineuse baisse, baisse encore, jusqu'à ce que le public disparaisse, puis la cage. Restent les lucioles, bientôt rejointes par un papillon, qui se meut dans la main d'un danseur totalement invisible. Recommencent les jeux de lumière de la cage, qui révèlent peu à peu le danseur, entièrement enveloppé dans sa combinaison blanche, spatiale - et ses mouvements souples, réguliers, hypnotiques. Il tourne sur lui-même, lentement, les bras en cercle. Tourne, tourne, tourne... Le temps n'existe plus, seulement les jeux de lumière, la musique des métronomes et toutes ces rotations.
Peu à peu, les métronomes ralentissent, certains s'arrêtent, leurs lumières s'éteignent.
La combinaison du danseur s'allume alors, cerclée de fils lumineux. On dirait un Bibbendum spatial, maintenant... :-)
Contraste fort et superbe entre la verticalité des traits de la cage, et l'horizontalité des ronds qui cerclent le danseur. Qui tourne, encore et toujours, les bras en cercle.
Les métronomes ralentissent encore, beaucoup sont maintenant arrêtés. La lumière baisse encore. La cage s'efface. Le danseur disparaît. Tous les métronomes sont éteints, la pièce est plongée dans un noir absolu, seuls 3 métronomes cliquètent encore. Puis deux. Puis un. Puis le silence. Le noir et le silence... Que perçois-je encore ?
Un rai de lumière. Les assistants se lèvent, sortent. Quelques applaudissements. Ils ouvrent le rideau de la porte. Quelques applaudissements, à nouveau, plus nourris : nous avons compris que c'est fini. Je n'ai absolument aucune idée du temps qui s'est écoulé mais oui, on approche d'une heure. Pour sortir, le couloir est plus court, plus éclairé. C'est fini.

Une danse-performance, donc. Un danseur, peu de mouvements, des mouvements très simples, minimalistes. Pas d'émotion, pas d'humour, mais beaucoup de poésie, dans la musique, dans la lumière et même dans le noir. Et une perte complète de repères, qui m'a permis de voyager dans un univers totalement nouveau, à la fois féérique et hypnotique.
Je me rends compte que j'ai probablement été plus sensible à la musique, la mise en scène, au travail sur la lumière qu'à la danse elle-même, si minimaliste qu'elle disparaît presque. Et pourtant, je reste convaincu que la beauté et la force de cette performance vient de la cohérence de l'ensemble. Je ressors extrêmement surpris, intrigué, perplexe de cette 1ère rencontre avec le travail de Brice Leroux, mais aussi tout à fait séduit, et même enchanté. Il entre décidément dans la liste des chorégraphes à suivre !

The R !

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